Grues cendrées, de la magie migratoire à la tragédie sanitaire
Dans notre précédent article “Migration des grues cendrées : le grand spectacle de l’automne”, nous avions évoqué l’extraordinaire passage des grues, leur itinéraire migratoire, l’influence du climat doux de l’automne et les observations record réalisées dans notre région.
Ce qui semblait alors être un simple décalage migratoire en raison des températures clémentes s’avère aujourd’hui être tout autre chose… une situation préoccupante pour ces majestueux oiseaux.
Source jhm.fr
Quelques Bragards (gentilé de la ville de Saint-Dizier) ont eu la drôle de surprise de découvrir des grues cendrées dans leur jardin, dans la nuit de jeudi 23 à vendredi 24 octobre. Pensant d’abord qu’il s’agissait d’une simple halte avant que les oiseaux ne poursuivent leur route vers le lac du Der, ils ont rapidement constaté que certaines de ces grues semblaient affaiblies, voire en détresse.
Nous avions précédemment parlé de la grippe aviaire qui se propage actuellement en Europe, touchant plus particulièrement les oiseaux sauvages.
Quatre grues cendrées ont été retrouvées mortes en Sarre, vendredi 24 octobre, portant à plusieurs milliers le nombre d’oiseaux sauvages infectés en Allemagne, notamment dans le Land de Brandebourg et le Rheinland pflaz. Les autorités sanitaires allemandes ont confirmés que ces oiseaux sont porteurs du virus de la grippe aviaire. En Lorraine, des centaines de cadavres de grues ont déjà été recensées.
Face à l'évolution des cas d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) dans la faune sauvage et dans les exploitations d'élevage, la France est placée en risque élevé depuis le 22 octobre 2025 (Arrêté du 17 octobre 2025 qualifiant le niveau de risque en matière d’influenza aviaire hautement pathogène). Obligeant les éleveurs à maintenir leurs volailles à l'intérieur pour limiter les contacts avec les oiseaux sauvages infectés. Cette mesure vise à renforcer la surveillance et à prévenir la propagation du virus.
Les autorités sanitaires rappellent qu'il est essentiel de ne pas toucher les oiseaux morts ou malades, car le virus peut se transmettre aux humains et aux animaux domestiques. Bien que les cas de transmission humaine restent rares, ils sont possibles, notamment après un contact direct avec des oiseaux infectés. Il convient donc de signaler toute découverte d’oiseau malade ou mort auprès des services compétents (mairie, OFB…).
Une tragédie annoncée
La catastrophe que nous avions pressentie s’est malheureusement confirmée.
Il ne s’agissait pas d’un simple retard de migration lié à la douceur de l’automne, mais bien d’une infection massive par le virus, particulièrement contagieux. La grande majorité des grues cendrées n’a pas rejoint ses zones d’hivernage. Elles sont mortes dans le nord de l’Allemagne ou durant leur migration, notamment lors de leur passage dans le Steinhart.
Source : Républicain Lorrain
Membre de notre association, M. Jean-Claude Kaas, a découvert une grue affaiblie dans son pré. “Elle semblait déboussolée et je crois qu’elle a fini par heurter une ligne électrique. Elle est tombée sur ma pelouse. Morte. Mais je ne me suis pas approché. Je sais que la grippe aviaire sévit actuellement chez ces oiseaux migrateurs. J’ai appelé la mairie qui m’a conseillé de prendre contact avec la police de l’environnement”
Elle a été récupérée par l’OFB (Office Français de la Biodiversité), organisme en charge de la protection des milieux naturels et de la faune sauvage. “Ils avaient des gants, des masques et ils ont récupéré l’oiseau dans un sac. Le fait que cette grue était isolée, alors que cet oiseau voyage en groupe, implique une suspicion de grippe aviaire. Il faut informer les gens de ne surtout pas toucher, ni approcher les cadavres d’oiseaux actuellement”.
Contrairement au nuage radioactif de Tchernobyl, le virus de la grippe aviaire ne s’est donc pas arrêté à la frontière…
Le 2 novembre, un autre membre de notre association a observé un dernier groupe d’oiseaux, au vol erratique, au-dessus de Rouhling.
Sans doute infestés, ils n’iront probablement pas plus loin.
Et maintenant ?
Une inquiétude se profile déjà, le même phénomène pourrait-il bientôt toucher la Cigogne blanche ?
Compte tenu de la densité importante de leur population en Alsace - Moselle, il semble malheureusement probable que le virus finisse par les atteindre également…
Photo H. Gauer