Notre Platt langue officielle au Brésil

Notre Platt est bien plus qu’un simple dialecte : c’est le témoin vivant d’une histoire linguistique et culturelle millénaire, enracinée dans notre région, mais également épanouie à l’autre bout du monde, au Brésil. Ainsi, ce dialecte francique rhénan issu entre autre de nos racines Lorraine, à traversé les siècles, défié les stigmates et trouvé une nouvelle jeunesse chez des communautés sud-américaines passionnées par leurs racines.

Dans cet article, nous vous invitons à découvrir les origines du Platt, ses variantes, son rôle historique et sa surprenante vitalité au Brésil, avant de vous proposer une immersion unique au cœur de ces traditions lors d’un voyage en automne 2026.

Limites des dialectes Franciques

Origines et variantes

Le Platt est un idiome issu du francique, racine de notre bilinguisme régional.

Il regroupe trois variantes principales : le francique rhénan, le francique mosellan et le francique luxembourgeois, toutes issues du moyen allemand occidental. Ces dialectes sont issus d’une longue histoire linguistique partagée entre la France, l’Allemagne, le Luxembourg et même l’Est de la Belgique.

  • Le francique rhénan (Rheinfränkisch) est parlé dans le sud-ouest de l’Allemagne, notamment en Rheinland-Pfalz, Sarre et Hessen, ainsi que dans certaines parties de la Moselle et de l’Alsace.

  • Le francique mosellan couvre le nord-est de la Moselle et certaines régions du Luxembourg et d’Allemagne.

  • Le francique luxembourgeois constitue la base de la langue luxembourgeoise moderne, attestant la continuité et l’influence de ces dialectes à travers les siècles.

En france notre platt subsiste notamment dans la moitié du département de la moselle, ainsi qu'en Alsace bossue (Sarre-Union) et la région frontalière du Bas-rhin (Wissembourg) avec l'Allemagne.

Le Platt à l’époque de Charlemagne

Lorsque l’on affirme que notre Platt était la langue de Charlemagne, cela ne signifie pas que l’on parlait à l’époque exactement le même dialecte qu’aujourd’hui. Cependant, cela témoigne que la langue populaire en usage était déjà du francique rhénan, ancêtre direct de notre Platt. Même la manière d’écrire différait de celle que nous connaissons aujourd’hui.

À l’époque de Charlemagne, le francique rhénan était la langue maternelle de l’empereur. Ce dialecte, issu du moyen haut allemand, était largement parlé dans l’Empire carolingien, notamment dans les régions correspondant aujourd’hui à la Lorraine, l’Alsace, la Rhénanie-Palatinat et la Sarre. Il a joué un rôle clé dans la structuration linguistique de l’Europe médiévale.

Le premier texte connu rédigé en francique rhénan est la traduction du traité de Saint Isidore, datant du début du IXe siècle. D’autres exemples incluent le catéchisme d’Otfried de Wissembourg (vers 790-870) et les Serments de Strasbourg de 842, qui marquent les premières attestations écrites de cette langue. Ces documents montrent que le francique rhénan était déjà une langue écrite, utilisée dans des contextes officiels et religieux.

Le Platt au Steinhart

Le secteur germanophone dont fait partie le Steinhart perd d'année en année une partie de ses caractéristiques historiques, et ce pour plusieurs raisons :

  • Après la Seconde Guerre mondiale, les enseignants avaient pour mission d’éradiquer la pratique du francique, alors considérée comme la langue de l’ennemi. Les sanctions allaient de la punition physique (10 coups de règle sur la main) à la mise au coin pour ceux surpris à parler Platt dans la cour de l’école. Cela a créé chez la génération d’après-guerre une forme de culpabilisation et une autocensure vis-à-vis de leurs enfants. Parler Platt n’était pas bien vu.

  • L’accent caractéristique des plattophones a aussi été source de moqueries et de mépris, notamment par le secteur franco-français, et c’est encore le cas en Moselle aujourd’hui, avec Metz (non plattophone) comme direction administrative.

Ces facteurs expliquent pourquoi de nombreuses familles ont été amenées à occulter leurs origines, leurs racines et une partie de leur culture.

À cela s’ajoute l’arrivée d’une importante population étrangère liée au développement industriel post-guerre, en provenance de différentes régions du Sud, de l’Est de l’Europe et du Maghreb, ce qui a contribué à noyer un peu plus notre identité. Aujourd’hui, une nouvelle forme d’émigration vers le Steinhart renforce mécaniquement le bilinguisme. De nombreux Allemands viennent élire domicile sur notre terroir. Cette émigration renforce encore les spécificités de notre territoire.

”Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis” — A. de Saint-Exupéry

Porto Alegre, capitale de l'État du Rio Grande do Sul, au Brésil

Notre Platt au Brésil : une langue vivante et officialisée

Notre Platt est parlée par environ 3 millions de Brésiliens, principalement dans les États du Rio Grande do Sul, de Santa Catarina et du Paraná.

Son histoire au Brésil remonte au XIXᵉ siècle, lorsque l’impératrice Marie-Léopoldine de Habsbourg-Lorraine, épouse de Dom Pedro I, encouragea l’immigration germanique pour peupler le sud du pays. Plusieurs centaines de milliers de migrants arrivèrent, venant notamment de la Sarre, de la Moselle et de la région du Hunsrück en Allemagne. Ces colons fondèrent des villages et des communautés fortement ancrés dans leur langue et leurs traditions.

Le Platt transmis de génération en génération, devint un outil essentiel de cohésion sociale et culturelle, permettant de renforcer la solidarité liée à l'appartenance au même groupe ethnique. Les habitants organisaient des écoles communautaires, des réunions religieuses et des fêtes populaires, comme l’Oktoberfest, où la langue et les coutumes étaient au cœur de la vie quotidienne.

Au fil des décennies, le Platt a conservé sa vitalité, malgré l’évolution de la société brésilienne. Il s’est légèrement transformé sous l’influence du portugais et d’autres langues locales, mais reste profondément enraciné dans les traditions franciques.

Reconnaissant cette richesse culturelle, l’État du Rio Grande do Sul a officiellement inscrit le Hunsrückisch dans sa législation en 2012 : “Le 23 juillet 2012, la loi n° 14.061 a été promulguée par l'Assemblée législative de l'État du Rio Grande do Sul, au Brésil. Cette loi déclare le Hunsrückisch (ou Hunsrik) comme faisant partie intégrante du patrimoine historique et culturel de l'État.”

Certaines municipalités comme Antônio Carlos, Santa Maria do Herval et São João do Oeste vont même plus loin en en faisant une langue officielle locale, permettant son enseignement dans les écoles et sa valorisation dans les institutions publiques.

Répartition du Hunsrück au Brésil. Bleu clair : États où le Hunsrück est parlé / Carrés bleu foncé : Lieux où le Hunsrück est co-officiel

Le Platt est parlé dans le sud du Brésil, principalement dans les États du Rio Grande do Sul, de Santa Catarina et du Paraná, soit une superficie totale d’environ 576 000 km², c’est-à-dire plus vaste que la France métropolitaine (552 000 km²).

Ainsi, ce dialecte francique rhénan issu de nos racines lorraines a traversé l’Atlantique pour s’épanouir dans un contexte nouveau, devenant l’une des langues les plus parlées du Brésil et un symbole vivant de l’héritage germanique sud-américain.

 

Au Brésil, l’intérêt pour le Platt, ou Hunsrückisch, ne se limite pas à la transmission orale : il existe aussi des ouvrages publiés pour l’apprendre et le préserver. C’est le cas du livre Parlons Hunsrückisch – Dialecte allemand du Brésil (traduction) de Ozias Alves Junior, édité chez L’Harmattan dans la collection “Parlons…”.

Ce journaliste brésilien, spécialiste des langues y consacre plus de 350 pages à l’histoire de ce dialecte, à sa grammaire, à sa phonétique, à son vocabulaire, et aux pratiques culturelles qui l’accompagnent. Ce travail démontre qu’au Brésil, le Hunsrückisch est reconnu comme un véritable patrimoine linguistique vivant, étudié et documenté, bien au-delà de son berceau européen.

La parution d’un tel ouvrage en traduction française montre aussi que cette langue suscite un intérêt international, et qu’elle continue de vivre grâce aux communautés qui la parlent, mais aussi grâce à ceux qui la valorisent à travers la recherche, l’écriture et l’enseignement.

 

Cette reconnaissance officielle contraste fortement avec la situation du Platt en Lorraine.

En Moselle, la langue a longtemps été stigmatisée, et les générations suivantes ont progressivement abandonné sa pratique, le reléguant au rang de souvenir familial.

Aujourd’hui, malgré des initiatives de préservation, le Platt reste marginal, avec un nombre de locuteurs en déclin.

Oktoberfest à Porto Alegre, Brésil

(Re)découvrir notre Platt au Brésil

L’automne 2026 sera l’occasion de partir à la rencontre des communautés plattophones du sud du Brésil.

Au programme :

  • Immersion dans les villages où le Platt est encore parlé

  • Participation à l’Oktoberfest

  • Rencontre et échanges avec les habitants

  • (Re)découverte des traditions culinaires et musicales germaniques

 

Les pré-inscriptions sont déjà ouvertes.

Les détails du voyage (programme, parcours, prix et calendrier) seront publiés progressivement dans nos infolettres.

C’est une opportunité unique de combiner passion pour l’histoire, la langue et la culture, tout en vivant une expérience sympathique au cœur d’un Brésil méconnu mais riche de ses racines.

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