La Moselle face à l’oubli linguistique

La lecture de l’enquête réalisée par l’Ifop et diffusée ce 18 août courant, concernant la radioscopie du régionalisme en France, nous a bouleversé en confirmant ce que nous ressentions depuis un certain temps, et qui n’avait jamais été mis au grand jour.

Il a fallu que l’Ifop réalise un travail remarquable Radioscopie du régionalisme en France en 2025” (à retrouver en cliquant sur le lien ci-contre) pour que les résultats collatéraux mettent en lumière, sur la place publique : la situation de la Moselle en matière de culture et de langue régionale.

On y analyse toutes sortes d’hypothèses et de scénarios concernant la Corse, l’Alsace, l’Occitanie, la Bretagne, le Pays basque, en passant par la Catalogne et la Savoie...

Les lecteurs non avertis pourraient facilement se perdre dans ces revendications régionales et ces analyses qui, bien que pertinentes, sous-entendent un poids très relatif quand on prend en compte les réalités des différentes communautés.

  • Les Corses, de Patrick Fiori, qui font le plus de bruit et qui bénéficient sans doute d’un maximum de reconnaissance et d’aides publiques, ne sont finalement que 48% de 360.000 à comprendre le corse, soit environ 170.000 personnes.

  • La communauté la plus importante est constituée par les Alsaciens de Roger Siffer, qui a 44% de 2.000.000 et disent comprendre leur langue, soit plus de 800.000 personnes.

  • Puis viennent les Occitans de Francis Cabrel, qui a 10% de 6.000.000, soit environ 600.000, et disent comprendre leur langue.

  • Et en troisième position ex aequo avec les Mosellans, ce sont les Bretons de Nolwenn Leroy, qui ont 9% de 3.500.000, soit environ 300.000, et les Mosellans de Patricia Kaas, qui ont 29% de plus de 1.000.000, soit environ 300.000, qui disent comprendre le Platt.

Ces chiffres devraient vous faire bondir quand on voit les efforts déployés pour défendre par exemple le breton (université de Rennes, enseignement en Bretons, multiples colloques, subventions, aides, etc.) et le manque de reconnaissance abyssal de notre communauté plattophone de la Moselle.

De notre histoire tourmentée et subie (5 changements de nationalité entre 1870 et 1945), des invasions successives, émigrations et immigrations de toutes cultures ect.

Berthe au Grand Pied (720-783) doit se retourner dans sa tombe, n’arrivant pas à accepter que la France traite ainsi l’héritage linguistique de son fils Charlemagne, qui est encore compris par plus de 300 000 Français…

OUI, mais ça n’est pas tout.

La Moselle se divise en deux communautés d’importance et de taille à peu près égales : l'une francoromane, l’autre francogermanique.

Par conséquent la question posée sans discernement des deux cultures aux Mosellans de tout poil et qui a fait surgir un chiffre de 29% comprenant leur langue régionale peut être mal interprétée. Par ailleurs sur l'ensemble de la population mosellane (1 046 543 hab.), environ la moitié, ne comprennent aucun des deux dialectes présents en Moselle.

Donc, le pourcentage de Mosellans francogermaniques comprenant leur langue régionale est en définitive, à ce jour, bien supérieur à celui des Alsaciens et des Corses.

On ne pourra pas refaire le passé, certes, mais il se pourrait que l’on tienne à présent compte de notre existence !
Qu’on arrête enfin cette glottophobie ambiante, ou de nous demander si nous sommes Belges.
Que notre communauté, au lieu d’être poussée à voter pour des partis extrémistes, retrouve sa maison et la reconnaissance de sa culture.

Parce qu’il y a un autre problème issu de cette discrimination culturelle et qui est d’ordre économique.

En inhibant les locuteurs de notre Platt, ceux-ci n'arrivent plus à transmettre aux enfants l'envie de le pratiquer et par là même, abandonnent un indéniable avantage pour faciliter les échanges avec notre voisin, dans le cadre d'une recherche d'emploi par exemple.

La conséquence est dramatique.

La jeune génération boude l’apprentissage de l’allemand pour des langues sans véritable intérêt professionnel local hormis certains domaines bien précis (commerce international et finances).
Les enseignements d’allemand se vident et les professeurs viennent même à manquer dans notre région, ce qui est un comble !

Et ce n'est pas en appelant la Moselle l'Eurodépartement que l'on changera la donne ni le territoire, l'Eurodistrict, ni la pratique d'une amitié franco-germanique feinte ou la remise de diplômes et de médailles de mérite franco-germaniques... Les choses ne pourront rentrer dans l'ordre qu'à partir du jour où on reconnaîtra et respectera notre culture, car nous ne sommes pas des Belges ni des Allemands ou qui que ce soit d'autre.

Nous sommes des Français de culture francique et pratiquons encore, pour quelques-uns, le Platt.


Ce 11 novembre 2025, à l’occasion de la célébration de la fin de la Grande Guerre, notre président a rendu un hommage national aux “malgré-nous” alsaciens et mosellans.

Il aura fallu attendre 80 ans après 39/45 pour vouloir expliquer aux “Français de l’intérieur” le drame vécu par nos anciens, qui ne sont malheureusement plus là, pour l’enregistrer.

Gageons que leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants puissent enfin trouver une acceptabilité nationale de leur culture et que l’enseignement national tienne enfin compte du fait que nous ne sommes pas des Allemands, mais des Français dont la culture est le Platt, la langue de Charlemagne, hissée au rang de langue nationale au Luxembourg et reconnue comme la deuxième langue officielle au Brésil.

Photo BMFTV

Dans le Steinhart, nous vivons au centre d’une Europe qui a davantage besoin d’une vraie pratique responsable de la biculturalité que d’un affichage politique… Qu’on se le dise !

Pour que notre langue retrouve sa voix.

Avec la plume de J.-M. Bour

Nous profitons également de l’anniversaire de la fin de la Grande Guerre, ainsi que du 81ᵉ anniversaire de la Libération du Steinhart, pour mettre en avant la carte de la Libération ci-dessous.
Vous pouvez la retrouver sur notre site, dans la rubrique Histoire >
Guerres et Libérations.

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