L’Ouette d’Égypte et ses impacts dans le Steinhart
Après le grand cormoran et la bernache du Canada, ce sont 8 Ouettes d’Égypte qui sont installées à l’étang de Metzing. Le maire Fernand Meyer dénonce la prolifération de cet oiseau menaçant la biodiversité locale. L’élu a écrit au préfet pour réclamer que des mesures de régulation soient prises « afin de freiner l’expansion de cette espèce invasive. »
L’ouette se définit généralement comme une espèce afro-tropicale, plus précisément soudano-sahélienne : elle est en effet présente sur le continent africain au sud du Sahara et le long de la vallée du Nil. Dans son aire d’origine, elle peut se reproduire toute l’année. En France, des pontes sont observées de mars à mai. La maturité sexuelle est atteinte entre 1 et 2 ans, les pontes sont constituées de 8-9 œufs et l’incubation dure 28 à 30 jours. Les jeunes sont élevés par les deux parents et prennent leur envol à 70-75 jours. Les habitats de reproduction sont diversifiés, généralement à proximité d’un point d’eau, dans des dépressions, sous des buissons ou dans des arbres.
D’où viennent-elles ?
Ce sont les introductions (volontaires ou involontaires) répétées dans plusieurs pays européens qui ont donné lieu à l’installation relativement récente de populations d’ouettes d’Égypte. Ainsi, cette espèce a été introduite en Grande-Bretagne dès la fin XVIIe siècle et son expansion a été significative dès le XIXe siècle. Mais ce n‘est qu’à la fin des années 1980 que sa démographie a explosé, à la faveur d’hivers doux successifs.
En Allemagne, elle s’est installée progressivement depuis son introduction, qui remonte au XVIIIe siècle. Aux Pays-Bas, la population proviendrait quant à elle d’oiseaux échappés de captivité. Après un premier cas de reproduction en nature en 1967 dans ce pays, une accélération s’est opérée à partir d’une nouvelle évasion conséquente en 1981. Ces oiseaux ont essaimé en Allemagne dans les années 1980 et ont récemment commencé à se reproduire. Ces ouettes allemandes et néerlandaises sont à l’origine de l’expansion de l’espèce vers les pays voisins : Belgique et Nord-Est de la France.
L’ouette d’Égypte est identifiable par son plumage : elle possède une tête claire avec une nuque un peu plus sombre, et une tache brun-chocolat caractéristique autour de l’œil ainsi qu’à la base du bec. Le dos est marron-grisâtre, le ventre blanchâtre avec une tache marron. L’ouette se distingue également par sa queue noire et ses pattes roses. Elle mesure environ 70 cm pour une envergure de 1,4 mètre et pèse 1,5 à 2,25 kg. Sa longévité est estimée entre 15 et 20 ans.
“Après le grand cormoran, la tortue de Floride, les ragondins, l’écrevisse de Louisiane, la bernache du Canada, notre étang est à présent envahi par les ouettes d’Égypte.” Au conseil de la communauté d’agglomération de Forbach en 2022, le maire de Metzing a poussé un coup de gueule contre toutes ces espèces invasives, introduites accidentellement dans des milieux dont elles ne sont pas originaires, et qui provoquent un déséquilibre des écosystèmes et apportent des nuisances. « Si on ne bouge pas, un jour je m’attends à voir arriver le caïman de Louisiane », grimace Fernand Meyer. Il invite ses collègues « connaissant la même problématique » à le soutenir dans la démarche qu’il vient d’entamer auprès de l’administration. L’élu réclame des mesures drastiques pour endiguer la prolifération de ces animaux exotiques, dont la population croît à une vitesse inquiétante dans l’Est de la France.
“Certains habitants de l'est de la France sont exaspérés par sa présence, mais cet oiseau originaire d'Afrique n'est pas une menace pour la faune et la flore française.” indique Laurent Cousi en octobre 2024, responsable du service connaissance à la Ligue de protection des oiseaux (LPO). En France “on décomptait 1500 couples en 2016. Aujourd’hui, en période de reproduction, on estime le nombre à environ 2000”, chiffre-t-il. “Ce qui n’est pas pour autant énorme”.
Je ne pense pas que l'ouette d'Egypte soit le nouveau frelon asiatique. Très honnêtement, elle est à peine un sujet en France pour l'instant. En hiver, hors période de reproduction, on est à environ un million d’anatidés. Dont à peine 1400 ouettes d’Égypte. La ponte est nombreuse, entre 6 et 12 œufs par an, et “comme elles se reproduisent dans les parcs, elles ne sont pas trop embêtées par la prédation, et ont donc un fort taux de reproduction”, admet-il. Une des particularités de l’espèce est qu’elle a tendance à se percher dans les arbres. Un fait rare chez les anatidés. “Elle peut même y dormir, comme les petits oiseaux.”
L’ouette d’Égypte, envahissante et nuisible ?
« L’ouette est un oiseau envahissant, agressif et nuisible au sens où il détruit les nids des poules d’eau, il intimide et évince les espèces endogènes comme les canards colvert. » Autre défaut de ces volatiles : leurs déjections. « Elles dégradent la qualité de l’eau mais aussi les pelouses bordant l’étang. Il y en a plein sur les berges. Je n’ose imaginer les endroits où ces volatiles sont des centaines, vu les dégâts qu’occasionnent déjà chez moi 8 ouettes d’Egypte et 2 bernaches, avec leurs petits. » indique Fernand Meyer. Natif du village, il fréquente et apprécie le plan d’eau de 7 hectares depuis des décennies. « Cela a toujours été un émerveillement de m’y promener car il y avait une diversification de la faune tout à fait remarquable. Aujourd’hui, quelle tristesse ne plus voir de grèbes huppées, de foulques macroules, de canards colvert. Par contre les bernaches et les ouettes se multiplient. Il faut absolument contenir cette expansion car, sur du long terme, ce n’est pas tolérable. »
Un couple défend assidûment son territoire d’environ un hectare, évinçant les autres animaux. Il reste fidèle à ce territoire pendant plusieurs saisons. L’ouette est capable de se reproduire rapidement, avec des taux de fécondité élevés et un bon taux de survie. Par conséquent, le potentiel invasif de cette espèce est important. L’agressivité qu’elle manifeste vis-à-vis d’espèces de taille supérieure à la sienne limite la prédation et pourrait être un facteur clé de sa croissance. Herbivore, l’Ouette d’Egypte se nourrit d’herbes, de graines, de céréales, mais ne dédaigne pas occasionnellement les grenouilles.
L’ouette en Europe
Ce ne sont pas à proprement parler des oiseaux migrateurs. Des études ont révélé que des déplacements de 50 à 100 km sont assez courants, et certains allant de 100 à 200 km ont pu être constatés. Des juvéniles d’ouettes bagués en Belgique se sont même dispersés jusqu’à 300 km.
Elle se porte si bien qu’elle figure en tête de liste des 100 espèces qui présentent le plus haut niveau de préoccupation du point de vue environnemental, sanitaire, social ou économique. Sa population sur le Vieux continent est estimée à 15 000 couples, situés principalement dans les pays frontaliers du nord de la France.
Des mesures de régulation ?
Las de voir « ces bestioles venues d’ailleurs » prendre leurs aises sur ce site naturel apprécié des promeneurs et des pêcheurs, le maire de Metzing a interpellé le préfet Laurent Touvet. « Je lui ai écrit début mai pour lui demander de remédier à cette situation dramatique », indique Fernand Meyer. Il réclame le classement de l’ouette d’Égypte en espèce nuisible. « À mon avis, ce serait la mesure la plus appropriée. Le minimum serait la régulation. Je sais que la Ligue de protection des oiseaux ne pense pas comme moi, mais ce n’est pas bon quand une espèce animale prend le dessus sur les autres et les décime. »
Le maire espère qu’un arrêté de destruction sera pris rapidement. « Si c’est le cas, j’escompte que la procédure ne soit pas aussi contraignante que celle mise en place pour chasser les cormorans. Son application est tellement compliquée qu’on préfère souvent baisser les bras. »
En Moselle en juillet 2015, sa présence avait fait l’objet de mesures de régulation avec l’arrêté préfectoral publié le 16 juillet 2015 et reconduit ces mesures pour une durée supplémentaire de deux ans (soit une fin en 2017). Il précise entre autres que “les titulaires du droit de chasse et leurs ayants droit, les lieutenants de louveterie ainsi que les agents chargés de la police de la chasse sont chargés du tir de toutes les ouettes d’Égypte qu’ils pourront rencontrer sur les surfaces en eau et leurs abords dans le département, durant la durée comprise entre le 23 août de chaque année et le 1er février inclus de l’année suivante” et qu’en “fin de saison de saison de chasse, chaque détenteur du droit de chasse aura l’obligation de rendre compte, dans l’enquête cynégétique annuelle, des ouettes d’Égypte qu’il aura tuées, en faisant état du lieu et de la date du prélèvement de chaque spécimen”. Consulter ici l’intégralité de l’arrêté préfectora lié à la régulation de l'ouette d'Égypte.
En Alsace, les gardes assermentés sont habilités à la capturer ou à la tirer. L’arrivée des ouettes dans les départements du Rhin ne date que de 1971 (hormis quelques mentions isolées au XIXe siècle), mais depuis, les effectifs n’ont cessé de progresser : en 2011, les inventaires menés ont mis en évidence la présence d’une population située entre 50 et 100 couples reproducteurs et entre 450 et 650 individus au total. “A la suite d’une augmentation exponentielle des populations d’ouettes d’Egypte, des arrêtés de régulation de l’espèce ont été adoptés en 2010 dans le Haut-Rhin et en 2011 dans le Bas-Rhin”, indique la Ligue de protection des oiseaux (LPO) d’Alsace. “Ces arrêtés visent à limiter les dérangements de l’oiseau sur la faune locale, peu armée pour se défendre contre l’intruse, souvent agressive en période de reproduction”. Cependant, “l’impact est minimisé par la propension de l’espèce à choisir des sites de nidification peu attractifs pour les espèces indigènes : bassins de récupération des eaux, petits étangs de pêche privés et autres sites artificiels. Mais son agressivité peut poser problème vis-à-vis de l’avifaune indigène, que ce soit lors du choix des nids ou lors de la défense de son territoire. Dans ce cas, il y a une possible interaction négative avec les divers oiseaux d’eau locaux”, estime la LPO Alsacienne.
En Allemagne, l’ouette est citée parmi les espèces introduites susceptibles d’impacts écologiques ou économiques, en considérant un niveau de population élevé : recul de la végétation bordant les plans d’eau, destruction des habitats de ponte des poissons, eutrophisation par rejet de fientes des petits plans d’eau avec pour conséquence la perte de leur biodiversité (invertébrés, batraciens…).
Pas particulièrement inquiétante
En Europe, l’espèce est classée “exotique envahissante”. Pas en France, car “l’impact n’a pas encore été démontré. Et ne le sera probablement pas de suite”, indique Laurent Cousi, responsable du service connaissance à la LPO.
Cet oiseau est tellement particulier que le risque d’hybridation avec d’autres anatidés paraît improbable. Donc c’est déjà un argument en moins.
Là, pour le coup, l’aire de répartition de l’ouette d’Égypte n’a pas particulièrement bougé en 10 ans, et “la réalité des chiffres ne fait pas penser qu’il y a un raz de marée et que les anatidés vont mourir sous le poids des ouettes d’Égypte. Que localement les gens pensent qu’il y en a trop, c’est possible. Mais au final, ça ne veut pas dire grand-chose. Dans l’est, on commence aussi à se plaindre des cigognes, et elles ne sont pas si nombreuses”, veut-il rappeler.
Ce sont donc essentiellement le caractère invasif et l’agressivité de l’ouette d’Égypte à l’égard des autres espèces qui peuvent préoccuper les autorités locales et régionales.
Sources : Sylvain Post journaliste honoraire et auteur - Le Républicain Lorrain (2022) - Actuplanete (2024) - Information cartographie Avibase