L’histoire des grottes de Lourdes du Steinhart

Dans tous les villages, des particuliers érigeaient, près de leur maison, des grottes dites de Lourdes avec des Grotteschdèèn (pierres calcaires irrégulières présentant des alvéoles et des inclusions de silex qu'on trouvait facilement dans le Steinhart), mais aussi en bloc de scories (Schlagge) du pays minier.

Nous avons répertoriés les grottes de Lourdes connues dans le Steinhart que vous pouvez retrouver sur notre carte interactive

Cette dernière comprend les églises, les chapelles, les grottes de Lourdes et les calvaires. Un oubli sur la carte ? Vous pouvez nous contacter en cliquant ici.

Deuxième pèlerinage catholique au monde après Rome

Tout commence en 1858, avec les apparitions (18) de la Vierge à Bernadette Soubirous, jeune fille chétive et pauvre, âgée de 14 ans, dans la grotte de Massabielle, à Lourdes. Le lieu, que les habitants appelaient la "Tute aux cochons",  n'a rien d'attrayant et sera pour les fidèles un signe d’humilité de la part de la Vierge Marie.

La reconnaissance de l'authenticité de ces apparitions par l’Église catholique eut lieu en 1862.

Dès 1870, le sanctuaire devient un lieu de pèlerinage majeur, et son rayonnement gagne toute la France, puis l’Europe. Il représente aujourd'hui le deuxième pèlerinage catholique au monde après Rome.

C'est à la même époque que des pèlerins revenant de Lourdes avec des souvenirs de grandes dévotions et de guérisons miraculeuses de malades eurent l'idée d'édifier des répliques de la grotte de Massabielle. Ainsi les croyants n'ayant pas les moyens de se déplacer à Lourdes pouvaient eux aussi se recueillir et prier devant une représentation de “l'Immaculée Conception”.

De plus, il y a aussi la frustration des familles peu aisées qui ne pouvaient pas se rendre à Lourdes dans les pèlerinages organisés à partir de la fin du 19° siècle. Des participants ramenaient des souvenirs de grandes dévotions et de grands malades revenaient miraculeusement guéris. Le clergé local réagit rapidement et demande aux paroisses d'ériger une grotte pour s'y rendre en procession et se faire protéger par l'Immaculé Conception de Lourdes. D'autres curés moins entreprenants demandent aux paroissiens de faire le vœu d'ériger une grotte si la Sainte-Vierge protège la localité lors de l'un deux conflits mondiaux, ce qui crée un micro phénomène d'appartenance collective. Celles qui se trouvaient dans l’incapacité de s’investir dans un tel projet étaient même l’objet de moqueries. D'où par frustration, des particuliers en érigent dans leur propriété pour souvent aussi exorciser une difficulté personnelle.

L'annexion de la Moselle et son bouleversement culturel n'est pas étranger non plus à ce climat. De très nombreux Mosellans se sont rendus à Lourdes alors qu'ils étaient réfugiés dans le Sud-Ouest, en 1940. À leur retour, ayant vécu une expérience forte, en garder le souvenir s'imposait.

Aujourd'hui il existe des milliers de monuments réplique sur les quatre continents : on en trouve dans plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine, au Canada, aux États-Unis, jusqu’à Hawaï. Et bien sûr en Europe : la Belgique en compterait pas moins d’un millier.

En 2015, le magazine Le Pèlerin en avait répertorié 765 en France métropolitaine.

A la différence des nombreuses croix aux bords de nos routes qui sont souvent des œuvres privées, la plupart des grottes communales sont édifiées par les bénévoles dans la convivialité et le partage.

Malheureusement sans soutien populaire, les plus fragiles seront condamnées à disparaître, victimes de l'usure du temps, de dégradations et du manque de soutiens financiers. Soyons reconnaissants envers toutes ces petites mains qui fleurissent et réhabilitent ces édifices à l’écart de toute considération.

 

C’est en Moselle-Est qu’on trouve la plus grande concentration au monde de Grottes de Lourdes, avec 180 reconstitutions pour 252 communes. Cela représente environ 71 % des communes de cette région, soit près de 3 sur 4 ayant leur propre grotte !

 

Ce monument d’art collectif religieux n'a pas la faveur du public et par conséquent est peu répertorié. Il est pourtant une pièce essentielle dans le patrimoine des communes dont certaines font l'effort de les réhabiliter.

On dit que l'engagement de Sœur Catherine Filliung (1848-1915) fondatrice de la communauté religieuse de son village natal de Biding, a été l'un des éléments déclencheurs de la création des grottes de Lourdes en Moselle-Est. Sa supposée guérison par la Vierge Marie le 10 mars 1873 n'a pas été reconnue officiellement par les autorités religieuses tout comme d'autres apparitions dans des localités mosellanes :

  • En avril 1799, au bord d’un chemin qui menait de Hoste à Cappel, à travers forêt, la Vierge apparaît au-dessus d’une source et promet des guérisons. Rapidement des centaines de pèlerins s'y pressent. Les autorités religieuses n’existaient plus au moment des faits, aucune enquête n’a été faite. Quand elles ont été rétablies, après le Concordat, elles ont négligé l'événement. Un calvaire fut toutefois édifié par les fidèles en 1818, la source a été aménagée, puis le calvaire a été abrité dans une très modeste chapelle. Aujourd’hui, la chapelle de Notre-Dame de Bonne Fontaine a été restaurée, des pèlerins viennent toujours à Hoste et une procession annuelle est organisée par la paroisse.

  • Walschbronn, les 9 et 10 avril 1870, le lundi de la semaine sainte 1870 et les 1-2-3 avril 1871 apparitions de la Vierge à Barbara Conrad qui est guérie d'une paralysie progressive de ses jambes le 15 août 1871. (RL du 23.6.2012) - (dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie, par René Laurentin et Patrick Sbalchiero – Fayard 2007)

  • L'Hôpital, le 7 juillet 1872, du 11 au 16 juillet 1872 et le 7 juillet 1877 à Clémentine Girsch

  • Betting, le 10 mars 1873 apparition de la Vierge.

  • Guising (Bettviller), le 15 mars 1873, à une jeune villageoise (selon Boufflet-Boutry-1997).

  • Rimling, au printemps 1873.

  • Holving, le 15 août 2009 à Anne-Marie Schmitt.

D'autres ont été reconnues par une Église prudente à leur sujet (listes non exhaustives) :

  • Avant Lourdes, il y a eu les apparitions de la rue du Bac à sainte Catherine Labouré en 1830, et celle de La Salette en 1846 (qui a suscité de vives réactions en France).

  • Après Lourdes, il y a eu Pontmain en 1871, Fatima au Portugal en 1917, ou encore Beauraing et Banneux, en Belgique entre 1932 et 1933.

De toutes ces apparitions survenues en Europe au cours des XIXe et XXe siècles (et reconnues officiellement) celles de Lourdes sont sans doute les plus connues.

“En France, il y aurait sans doute près d’un millier de répliques au total.”

L’essor des grottes dans le Steinhart (début XXᵉ siècle / après-guerres)

Dans le Steinhart, les premières grottes apparaissent au début du XXᵉ siècle. Certaines sont érigées dans un contexte de piété populaire, notamment à l’occasion de missions paroissiales ou de fêtes mariales. Mais c’est surtout après les deux guerres mondiales que leur nombre augmente sensiblement. La ferveur religieuse redouble en période trouble.

Quelques exemples parmi une douzaine de grottes recensées dans le Steinhart :

  • Etzling serait-elle une des premières communes du Steinhart à avoir érigé une grotte de Lourdes ? Elle fut construite en 1907 sous la direction de monsieur le curé par Louis Gamel et Pierre Schoving, en pierres calcaires locales dites Grotteschdèèn. La bénédiction avec une procession aux flambeaux eut lieu un dimanche de Pentecôte, le 19 mai 1907. Il subsiste encore trois grottes privées dans cette commune. Trois autres ont malheureusement déjà disparu.

Grotte de Lourdes d’Etzling vers 1921

Grotte de Lourdes d’Etzling aujourd’hui

Grotte privée Etzling - rue des Jardins, P. Bousendorfer

Grotte privée de Lourdes d’Etzling rue de la Montée le 10 oct 2025 - Photo N. Becker

  • La grotte d'Alsting a été construite par des bénévoles en 1919, sous l'impulsion de l'abbé Hamann. Deux raisons sont avancées généralement : certains disent que l'on voulait remercier la Vierge d'avoir épargné le village durant la Première Guerre mondiale et que les combattants revenus du front ont pris cette initiative. D'autres prétendent qu'une bombe serait tombée non loin de l'école durant les heures de classe sans faire de victime et que Marie devait en être remerciée.

Le grotte de Lourdes d’Alsting - dans le cimetière à droite de l'église. Construite après la première guerre mondiale.

  • À Lixing-lès-Rouhling, la grotte fut érigée après la Seconde Guerre mondiale, suite à la promesse faite par sept familles de Lixing évacuées en 1939 qui s’étaient engagées à édifier une statue de la Vierge Marie s’ils retrouvaient sains et saufs leur village natal. À leur retour, un petit comité est créé et, avec l’avis et l’aide de toute la population, ils décident de la construction d’une grotte de Lourdes. La plupart des pierres servant à l’édifice ont été ramassées ou extraites des carrières de Grosbliederstroff. La grotte est inaugurée le 16 septembre 1951.

    Aujourd’hui encore, la population s’y rend en procession le 15 août, fête de l’Assomption de Marie.

Grotte de Lixing-lès-Rouhling

  • La grotte de Spicheren a été construite en 1954 à l'initiative de l'abbé Dastillung. Elle a été bénie le 12 septembre 1954, à la fête de la nativité de la Sainte Vierge par monsieur l’archiprêtré de Forbach, l'abbé Halinger. Des aménagements y ont été effectués en 2023.

Grotte de Lourdes de Spicheren

La grotte de Diebling, route de Tenteling, a été bénie le 15 août 1956.

Diebling Grotte de Lourdes

  • La grotte Notre-Dame de Lourdes de Bousbach a été érigée en 1959-1960 par des bénévoles et la collectivité dans son ensemble sur des parcelles mises à disposition et appartenant à plusieurs propriétaires. En 2019, la commune a acquis à l'euro symbolique les terrains en question.

Grotte de Lourdes de Bousbach érigée en 1959-60 par des bénévoles.

  • À l'Assomption il est de coutume de célébrer des messes en plein air devant la grotte de Tenteling-Ebring et sa Vierge “Notre-Dame de l'espérance”.

Tenteling grotte de Lourdes - photo P. Nagel

Tenteling grotte de Lourdes autel - photo P. Nagel

  • Même tradition de messe en plein air devant la grotte d'Ippling située rue Notre-Dame.

Grotte de Lourdes d’Ippling

  • La grotte privée qui se trouvait rue des Romains à Hundling a été détruite et remplacée par un garage. A notre connaissance il y a une grotte privée.

Hundling Grotte de Lourdes privée

Pas de grotte communautaire à Folkling, mais deux grottes privées.

Grotte privée à Folkling le 10 oct 2025 - Photo N. Becker

  • À Gaubiving, durant la Seconde Guerre mondiale, on avait commencé à collecter des fonds afin de pouvoir ériger une grotte, mais le projet a été abandonné et l'argent collecté remis à la paroisse.

Grotte de Behren-lès-Forbach le 10 oct 2025 - Photo N. Becker

  • En plus de la grotte située au milieu du village de Kerbach, une seconde grotte (privée) en pierre calcaire avec insertions d’ammonites se trouve rue d'Etzling.

Grotte de Lourdes de Kerbach le 10 oct 2025 - Photo N. Becker

  • En 2005, rénovation de la grotte placée sous les escaliers de l'église Saint-Antoine d'Oeting achevée en 1869. Une grotte privée se trouve également en face de l'ancienne ferme auberge de l'étable, rue du Général de Gaulle.

Grotte de Lourdes de Oeting

Grotte privée à Oeting en face de la Ferme auberge de l'étable - Photo N. Becker

Souvent, l’initiative vient de familles reconnaissantes ou d’anciens combattants, qui y voient un lieu de mémoire et d’action de grâce. Dans d'autres cas, ce sont les paroissiens soutenus par monsieur le curé et le Conseil de Fabrique qui se sont engagés dans de tels projets.

Il reste peu de ces grottes privées dans les villages. On y trouvait immanquablement une statue de la Vierge, des lumignons et parfois quelques ex-voto. Chacune d’elles était fleurie et on y allumait des bougies lors des fêtes religieuses.

Les répliques de la grotte de Lourdes peuvent être naturelles ou imitées

Statue de Notre-Dame de Lourdes au-dessus de la grotte de Massabielle.

On en voit installé dans des anfractuosités naturelles (Lengelsheim) construites en blocs de pierre (Bining, Lambach), en béton imitant la pierre de Lourdes (Siersthal), en moellons de calcaires à entroques (Grotteschdèèn : pierres calcaires irrégulières présentant des alvéoles et des insertions de silex qu'on trouvait facilement dans le Steinhart), en grès, mais aussi en bloc de pierre de la cokerie de Carling (Farschviller), en blocs agglomérés venus du terril des mines de la Houve (Guerting en 1908) ou encore en sous-produits de hauts fourneaux divisés en blocs que l'on peut appareiller.

Si la forme générale de ces grottes artificielles est censée imiter celle de Lourdes, d'autres sont aménagées dans des grottes naturelles et n'évoquent que vaguement celle de Lourdes. Leurs dimensions sont parfois spectaculaires, certaines dépassant les 6 mètres de hauteur et plus encore de large.

Elles sont disposées à côté d'une chapelle ou d'une église, accolées à la façade d'une maison, indépendante d'une autre construction, au centre du village ou plus excentrées, dans le cimetière comme à Alsting, à l'intérieur de bâtiments religieux (Diesen).

On peut y trouver un autel fleuri sur lequel on a déposé bougies et lumignons ainsi qu'une exposition d'ex-voto. Parfois on y aménage une esplanade, un autel pour les célébrations, des bancs, etc. L'élément principal sera toujours une statue de la Vierge Marie désignée par “Notre-Dame de Lourdes” logée à droite et en hauteur dans une niche de la grotte.

La première statue de Notre-Dame de Lourdes a été réalisée par Joseph-Hugues Fabisch pour la grotte de Massabielle, lieu des apparitions. Toutefois la version la plus célèbre est celle réalisée par Ignaz Raffl pour la place du Rosaire de Lourdes, qui se caractérise par une ceinture bleue dont les deux pans sont écartés. Ce modèle a servi de base, avec des variations, à de très nombreuses reproductions en France et à travers le monde. Un deuxième personnage est parfois présent, celui de Bernadette Soubirous, à genoux, en prière, faisant face à la Vierge. 

 

Lors des processions (ex. Fête-Dieu) et en particulier lors des fêtes mariales (il y en a une quinzaine au calendrier liturgique) comme le 15 août, jour de l'Assomption, on passait un moment en prières pour réciter le chapelet et pour entonner des chants à la Vierge devant la grotte. 

Dans de nombreux villages, des particuliers érigeaient, près de leur maison, des grottes de Lourdes réduites. Présentes sur une propriété privée elles ne sont pas toujours visibles des passants.

Grotte réduite privée à Oeting Photo N. Becker

Fonctions spirituelles et sociales

Il en est de même de celles installées dans les propriétés de communautés religieuses ou de diocèses. Réalisées dans la majorité des cas par des bénévoles, le recensement des répliques de grottes avec précision est compliqué. Très peu sont documentées (archives municipales ou paroissiales, devis, factures, matériaux utilisés, dimensions, etc.). Par ailleurs la datation des grottes de Lourdes et la raison de leur érection ne sont pas toujours explicites.

Les grottes de Lourdes ne sont pas de simples reproductions d’un lieu emblématique. Elles deviennent le cadre de processions mariales (en particulier au mois de mai, traditionnellement consacré à Marie et le 15 août). Elles servent de lieu de prière pour les malades et les familles. L’imitation, non pas d’une formation géologique naturelle mais d’un lieu de mémoire devenu central dans la conscience religieuse, structurent la vie communautaire et constitue en effet une forme particulière de sanctuaire (en plein air, marial et satellite) encore assez peu étudiée.

Dans la majorité des villages du Steinhart, des cérémonies spécifiques y sont encore organisées, et les statues sont entretenues par des bénévoles.

Un patrimoine fragile mais vivant

Aujourd’hui, toutes les grottes ne bénéficient pas du même degré de conservation.

Ces monuments d’art collectif religieux n'ont plus la faveur du public et par conséquent sont peu répertoriés. Il serait urgent de s'en préoccuper, car ils sont une pièce importante du patrimoine des communes dont certaines font l'effort de les réhabiliter.

Certaines sont restaurées ou fleuries régulièrement, d’autres tombent dans l’oubli, envahies par la végétation.

L’association Steinhart Terre d’Origines a entrepris un recensement de ce patrimoine religieux, afin de sensibiliser les habitants à leur valeur historique et spirituelle.

Accès à la page patrimoine religieux de la région

À ce stade, il nous manque probablement certaines grottes privées. Si vous disposez d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.

Sources : Lixinglesrouhling.fr,
RCF Radio grottes de lourdes,
grottesdelourdesenmoselleest.com,
grottesdelourdesenmoselleest./repliques-des-grottes-de-lourdes,
Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie, par René Laurentin et Patrick Sbalchiero – Fayard 2007,
Magazine Le Pèlerin, Religion et Modernité -
presse universitaire de Rennes - chapitre XII, pages 169/177.

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